DONAT (SAINT-)



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



DONAT (SAINT-)



DONAT (SAINT-) (Castrum Sancti Donati). - C'est un chef-lieu de canton de l'arrondissement de Valence et un bureau d'enregistrement, agréablement situé dans la petite vallée de l'Herbasse, à 28 kilomètres de Valence et 8 de Romans. La commune se compose d'un bourg et d'un hameau, et sa population est de 2,084 individus. Il s'y tient cinq foires par an. Il y a des tuileries et de belles fabriques pour l'ouvraison de la soie, qui occupent un assez grand nombre d'ouvriers.
Le territoire présente une culture riche et variée ; il est arrosé de l'orient à l'occident par la rivière d'Herbasse, et du nord au midi par le ruisseau de Merderet, qui vient y réunir ses eaux près de Saint-Donat. Les principales productions sont le vin et la soie.
L'origine de Saint-Donat se perd dans la nuit des temps. L'ancien site était un vallon marécageux, inondé par les eaux de l'Herbasse, sans habitations, sans chemins, sans culture. Placé à 2 lieues de distance de l'Isère au midi, et du Rhône au couchant, ce n'était qu'une solitude couverte de forêts, lorsqu'un temple y fut élevé à Jupiter. La fertilité du sol, la salubrité de l'asile, le voisinage des eaux, attirèrent des habitans, et bientôt leur réunion fit appeler ce lieu le bourg de Jupiter, Vicus Jovinciacus. Ce temple fut détruit lorsque le christianisme fut introduit dans cette partie des Gaules ; mais déjà les habitans avaient bâti des maisons, cultivé la terre, et rendu ce séjour plus agréable, sous le nom de Jovincieu.
« Corbus, vingtième évêque de Grenoble, forcé, en 732, par l'invasion des Sarrasins d'Afrique, de fuir avec son clergé, se réfugia à Jovincieu, portant avec lui les reliques de Saint Donat. Il fit bâtir, sur les débris du temple de Jupiter, un palais qui fut appelé le château, et une église dédiée à Saint Donat, dont le bourg prit le nom. Il forma un chapitre, dota les chanoines, établit une paroisse, et exerça toutes les fonctions de l'épiscopat. Le bourg, dont la population augmentait chaque jour, fut, sous les successeurs de cet évêque, environné de murailles, fermé par des portes, défendu par des fortifications.
En 879, Boson, roi de Bourgogne, concéda le bourg de Saint-Donat et ses dépendances à l'évêque, pour le récompenser de lui avoir accordé son suffrage au concile de Mantaille, où Boson fut élu roi. Dès-lors, Saint-Donat acquit plus de consistance ; il y eut un tribunal pour rendre la justice et d'autres établissemens.
Louis, fils de Boson, succédant à son père en 890, confirma les libéralités faites au clergé de Saint-Donat.
En mémoire du couronnement de ces princes, et en reconnaissance de leurs dons, les habitans créèrent, en 894, un simulacre de royauté. C'était un divertissement agréable aux riches, avantageux aux pauvres, soutenu par des revenus fixes, et qui rappelait tous les ans les bienfaits des Bosons et le danger des Sarrasins.
Le lundi de Pâques, le consul du bourg annonçait au peuple, à l'issue de la première messe, qu'il nommait Roi de l'aumône de l'Ascension prochaine un citoyen qu'il désignait : cet honneur était accordé tour-àtour au plus digne. La veille de la fête, le monarque désigné montait à cheval, accompagné des notables ; ils se rendaient hors du bourg, à une ancienne chapelle où se faisait le couronnement. Alors le roi recevait des mains du connétable l'épée dont il devait se servir pour repousser l'ennemi. Il nommait ses officiers, et le premier acte de sa puissance était d'aller délivrer les prisonniers.
Le jour de la solennité, le roi, la couronne sur la tête, le sceptre à la main, entouré de sa cour, tous les grands habillés et armés selon le costume distinctif de leurs dignités respectives, assistaient à cheval à une procession générale ; ensuite le cortége se rendait au château ; de là à l'église, pour y entendre la messe. A midi, le roi goûtait les alimens destinés aux pauvres, et l'on distribuait l'aumône royale. La journée était employée à des réjouissances auxquelles venaient prendre part les habitans des communes voisines. Le lendemain, la cour avait le privilége de la chasse et de la pêche : le poisson et le gibier faisaient l'ornement du festin. Cette royauté de 48 heures fut constamment renouvelée pendant onze siècles, jusqu'en 1790 (1) (1) Mémoires sur Romans, par M. Dochier.. »
Isarn, trente-troisième évêque, ayant chassé, en 967, les Maures de son diocèse, en reporta le siége à Grenoble, mais il laissa à Saint-Donat un chapitre qui, après avoir été indépendant, riche et nombreux, déclina sensiblement, au point qu'il n'y avait plus en 1790 que trois ou quatre chanoines, dont la collégiale était si pauvre, qu'ils vendirent pour vivre les pierres d'une partie du cloître.
Saint-Donat, après que les évêques de Grenoble l'eurent quitté, continua de jouir de beaucoup de priviléges, d'être habité et protégé par des seigneurs puissans.
Lorsqu'en 1349, le dauphin Humbert II remit ses états à la France, il comprit dans ses réserves le château et la ville de Saint-Donat. Cet ancien château, où sont maintenant l'église, le presbytère et l'école primaire, domine tout le bourg et commandait en quelque sorte la vallée de l'Herbasse.
La comtesse Béatrix de Genève faisait sa résidence à Saint-Donat, et elle y termina ses jours en 1395. On voit encore dans l'église le marbre qui recouvrait sa tombe.
Son fils, le cardinal Amédée de Saluces, évêque de Valence et de Die, y mourut aussi en 1419.
Ce bourg avait repris pendant la révolution de 1789 son premier nom de Jovincieu.
C'est la patrie de Guillaume Augier, célèbre troubadour du XIIme siècle, qui s'attacha à Reymond Berenger, comte de Provence.

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